zaa

lundi 31 mars 2014

Justice : le cas Echols

Echols a passé 18 ans dans le couloir de la mort


Patrick Dils en France, Damien Echols aux USA. Tous deux victimes d’une erreur judiciaire. L’Américain a passé deux décennies en prison pour l’affaire dite des « West Memphis Three ». La mobilisation des stars l’a sauvé.


Comment vivez-vous deux ans et demi après cette libération ?
«J’ai vécu durant vingt ans dans une boite. J’ai été seul durant dix ans et d’un seul coup, je suis propulsé dans le vrai monde, sur une autre planète. Je dois m’adapter chaque seconde à cette nouvelle vie. Je n’ai pas eu d’ordinateur depuis 1986, je n’ai jamais eu de téléphone mobile. Pour m’en sortir, il faut que j’affronte ces choses qui m’effraient… J’ai beau vous parler à Paris, pour le système judiciaire américain, je reste coupable. »
Quand vous étiez dans le couloir de la mort, vers quoi votre esprit vous portait-il ?
« J’imaginais partager du temps dans une maison avec Lorri (N.D.L.R. : sa femme qu’il a épousée en 1999 en prison), aller boire un verre, me rendre dans un parc pour enlever mes chaussures et sentir l’herbe sous les pieds. À la longue, j’avais tout perdu : le goût de la pizza, même la sensation du soleil sur la peau. Lorri m’a permis de surmonter tout ça et d’entrevoir des jours meilleurs. »

Votre affaire correspond à une époque particulière aux USA, où une certaine peur du satanisme amenait à des extrémités, non ?
« Une grande partie des USA, dont l’Arkansas, est décrite comme the « Bible belt » (la ceinture de la Bible) avec un nombre important de fondamentalistes chrétiens de la droite dure. Tout ce qui est hors de leurs valeurs, de leurs idées, de leurs concepts, est immédiatement suspect. Ils m’ont vu me balader en ville, habillé tout en noir, avec de longs cheveux, écouter du heavy metal. Aujourd’hui, tout le monde écoute Metallica, mais en 1993, cette musique était considérée comme « dangereuse ». Lors de notre procès, l’accusation a mentionné qu’on portait des tee-shirts de Metallica, qu’on avait des albums de Megadeth, des posters de Slayer. C’était une preuve supplémentaire qu’on était coupable. On a appelé aux USA cette période « Satanic panic », elle a infiltré les médias, le gouvernement, ça a pris des proportions folles et conduit des gens en prison… »
La justice de votre pays serait guidée, d’après vous, par la politique et l’argent.
« Dans la majorité des pays, les juges sont indépendants. Aux USA, les juges, les procureurs, les attorneys sont en réalité surtout des politiciens. Leur premier intérêt : assurer leur prochaine réélection. Dans mon cas précis, ils ont voulu montrer qu’ils pouvaient conduire quelqu’un jusqu’à la peine de mort ! La corruption aussi est très présente. Des liens étroits existent entre ces politiciens et le pouvoir de l’argent. Les prisons sont privatisées, c’est un énorme business. N’importe quelle société peut ouvrir sa propre prison et faire de l’argent avec… Les Américains ne réalisent pas ce qui se passe, ils sont plus occupés à découvrir les dernières frasques de Britney Spears ou Kim Kardashian. »
Comment vivez-vous le fait de passer du statut de prisonnier à celui de quasi rock-star ?
« On est dans un monde où la célébrité est devenue tellement importante… Mais les gens connus le sont pour leur art, leur talent, leur habilité à jouer, à chanter, à être sur scène. C’est ce qui les fait émerger de la foule. Nous, on l’est par la chose horrible qui nous est arrivée. Pas par ce qu’on a fait, mais par la tragédie que nous avons traversée. C’est pourquoi je ne ressens pas cet aspect de la célébrité. Je me sens plutôt comme une sorte de monstre, comme ceux, physiquement déformés, que l’on exhibait autrefois dans les cirques. J’ai l’impression d’être « freak ».
Pourquoi des stars comme Johnny Depp ou Marylin Manson vous ont-elles soutenues ?
« Avant d’être acteur, Johnny vivait dans une ville pauvre du Sud, Eddie a travaillé lui dans une station-service. Marylin Manson a toujours été un peu en marge de la société. Donc quand ils m’ont vu, ils ont réalisé que ça aurait pu arriver à n’importe lequel d’entre eux. Toutes ces personnes sont devenues plus proches que ma propre famille. Si ces gens-là ne s’étaient pas intéressés à mon cas, je serais mort. »

Propos recueillis par Xavier FRÈRE.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire